La forêt brûle, éclatante comme les rayons du soleil. Une silhouette solitaire se tient debout au milieu de ces flammes dont elle semble se délecter. Ce personnage brûle depuis longtemps déjà, si longtemps qu'il avait déjà vu le monde entier réduit en cendres par son propre pouvoir.
Il est fou de joie.
Il s'extrait finalement des flammes. Derrière cette colline qui se dresse devant lui, il sent qu'il y a de la vie. Des habitants qui se bousculent, effrayés par les colonnes de fumée noire. Ils connaîtront bientôt le goût de la renaissance, eux aussi.
« Au nom du royaume de Demacia, arrêtez ! »
Il se retourne. Un homme de grande taille en armure s'approche de lui. Il soulève son épée, comme s'il se préparait à attaquer. Une précaution qui allait se révéler opportune.
L'homme est accompagné par une femme blonde. Son armure est similaire à celle du chevalier, mais le bâton qu'elle porte lui laisse entendre qu'elle est magicienne. Il décide alors qu'elle sera la première à tomber.
Une autre présence sort peu à peu de l'obscurité. Son visage est caché sous une capuche, son corps sous une longue robe. Il ne reconnaît pas son habit, mais comprend qu'il abrite un maître des arcanes. Il décide que la femme, finalement, attendra.
Il se tourne brutalement et canalise le feu de sa vengeance sur la silhouette encapuchonnée. L'arcaniste révèle rapidement ses mains, qu'il agite comme pour conjurer un sort. Un bouclier étincelant bloque alors les flammes, les catapultant vers le ciel.
« Dernière sommation. Rendez-vous maintenant ou vous subirez notre châtiment ! »
Il décide que les jacassements de cet homme en armure ne ressemblent pas assez à de l'agonie. Il se tourne vers lui et projette une colonne de feu dans sa direction. Une fois encore, un bouclier magique disperse le brasier.
Ensuite, tout devient noir...
Brand secoua la tête pour chasser ses souvenirs. Devant lui, un énorme brasier s'attaquait aux cadavres et aux planches de bois qui formaient auparavant ce que les humains nommaient leur foyer. La chaleur des flammes et l'odeur de brûlé le rassura comme un doux baiser d'amour et de passion. Lentement, il reprit sa route vers son objectif, se délectant au passage de son oeuvre flamboyante.
Paladïn aperçut le premier village demacien au matin, mais les nuages noirs qu'il dégageait ne présageaient rien de bon. Le mélange entre la chair brûlée et le bois flamboyant suffit à le réveiller définitivement. Certaines personnes brûlaient toujours, gigotant avec lenteur en priant pour que quelqu'un vienne abréger leurs souffrances. Le village ne crachait qu'un mot : agonie.
Le demacien pesta et lança sa monture parmi les décombres. Il devait arriver à Demacia au plus vite.
Les autres villages sur son passage avaient connus le même sort. Toujours plus de mort sur la conscience de Brand, à supposer que ce monstre ait encore une conscience.
Les murailles de la cité de Justice apparurent une heure plus tard ; les flammes brillaient dans les pupilles de ses yeux.
Les habitants fuyaient par les portes de la ville. Malgré le fait que son honneur criait de les protéger, Paladïn s'enfonça dans la ville, poussant sa monture à surmonter ses peurs de la créature brûlante. Il tomba par une chance inouïe sur deux domestiques de sa demeure :
-Mes parents, où sont-ils ? cria-t-il, affolé. Et Fiora Laurent ?!
-Ils sont sortis par les souterrains, répondit le serviteur, effrayé, courant vers les portes.
Paladïn soupira de soulagement et lança le cheval à travers les rues attristées de Demacia.
Des braves hommes s'empressaient d'éteindre les incendies qui frappaient les habitations, mais les flammes refusaient de s'éteindre si facilement. À une intersection, le cheval hennit et se cabra. Vayne fit une roulade sur le côté et se redressa. En fin cavalier, Paladïn calma la bête.
-Vayne. Où est Brand ?
-Crois-tu que je serais ici si je le savais ?
-Pas faux. Et les autres ?
-La famille royale a été la première à évacuer par les portes sud. Le roi a ordonné la retraite des soldats qui tombaient comme des mouches face à Brand. Par le pire des mauvais esprits qu'est-ce qu'ils attendent, à l'Institut ?!
-Ils ne viendront pas, c'est pour cela que je suis venu vous prévenir, mais trop tard. Monte, je t'amène.
Vayne grimpa derrière Paladïn, le cheval reprit son petit galop, nerveux.
Quinn suivait Valor depuis la terre quand elle entendit un cheval arriver près d'elle. Elle siffla pour prévenir son faucon et arrêta le cheval.
-Paladïn ? Vayne ?
-Pas le temps de t'expliquer.
-Moi non plus, Valor a trouvé une autre personne bloquée. Sona est avec les réfugiés, elle fait de son mieux mais les blessés sont trop nombreux pour elle. Si vous croisez Garen ou Jarvan, dites-leur que la ville sera bientôt totalement évacuée.
Elle se mit à courir le plus droit possible dans la rue, et siffla de nouveau. Valor descendit du ciel et avec une force méconnue, attrapa ses épaules dans ses serres et la souleva dans les airs. Vayne et Paladïn continuèrent leur route quand la Chasseuse Nocturne imposa un arrêt.
-Écoute... de la magie noire... je la sens... suit moi.
Elle descendit de la monture et, malgré le bruit crépitant des flammes, s'avança en silence.
-... et aucun invocateur ne pourra m'arrêter cette fois !
Vayne arrêta Paladïn à un angle et tourna la tête du mieux qu'elle le put.
Brand se tenait devant Garen, Lux et une petite escorte armée de seaux d'eau. D'où ils se tenaient, Vayne et Paladïn purent voir la mine sombrement résolue du demacien.
-Je combattrai aussi longtemps que je tiendrai debout. Allez-y !
Il abattit son épée devant lui. En parfaite organisation, les soldats lancèrent l'eau sur Brand. Aucune flamme de son corps ne s'éteignit.
-Ah ah ah, pauvres créatures insouciantes ! siffla Brand. Vous croyez que vos plans stupides vont marcher contre moi ?! Soyez maudits, vous les demaciens ! Vous brûlerez tous !
Une colonne de flamme apparut sous les pieds du groupe. Les soldats se jetèrent au sol, Lux eut le temps de lancer son bouclier sur tous ses alliés et tomba vers la gauche, Garen vers la droite. La magicienne se releva rapidement et tendit ses mains dans son dos. Son bâton se mit à tourbillonner devant elle.
-Demacia !
Un laser de lumière traversa la distance qui la séparait de Brand. L'être de feu évita avec une expression de rage.
-Non, vous ne m'enfermerez plus dans la lumière !
-Espèce de...
-Luxanna, la stoppa Garen en mettant son bras en guise de barrière, arrête. Nous ne pouvons rien contre lui.
-Mais Demacia est en cendre ! Ne pense pas que...
-Nous avons besoin d'aide.
-C'est l'occasion !
-Non Vayne attends !
La chasseuse disparut en une roulade, sous les yeux de Paladïn, impuissant. Il la vue apparaître sur le côté de Brand, elle lança un Carreau, empalant Brand contre le mur d'un bâtiment. Ce dernier baissa le regard vers l'arme, et leva les yeux vers Vayne alors qu'elle roulait de nouveau pour le clouer avec trois autres projectiles.
-Rien de ce que vous pourrez faire ne m'arrêtera.
Les carreaux, bien que pures flèches d'argent, se mirent à fondre. Brand se décolla du mur et avança lentement vers les demaciens. Avant qu'il ne les atteigne, un mur d'ombre se dressa entre lui et ses cibles, lui coupant la vue. Paladïn se retrouva devant ses alliés :
-Allez-vous-en ! Je vais le retenir.
-Paladïn, le reconnut Lux. Pourquoi es-tu ici ?
Il lui lança un regard sombre, qui suffit à lui expliquer que l'instant était grave. Lux acquiesça et regarda son frère. Garen ordonna la retraite tandis que Vayne les rejoignait.
-Quelqu'un a-t'il un plan ? demanda-t-elle prestement.
Le mur d'ombre se coupa soudainement en deux, les flammes dissipant le pouvoir du demacien.
-Actuellement, à part des invocateurs, je ne connais personne qui pourrait l'arrêter, s'exclama Garen en prenant la tête du groupe de fuyards.
-Mais si nous le laissons faire, répondit Paladïn, Demacia ne sera bientôt plus que cendres et désolation.
Lux lança une boule lumineuse d'énergie à l'arrière, vers Brand qui continuait à les suivre tout en tirant là où ses flammes n'avaient pas encore consumé le bois ou la pierre. Ses attaques aléatoires commençaient à l'énerver et cette menace devait être supprimée en priorité. Soudain prit de colère, Brand s'approcha le mieux possible du groupe. Il lança une boule enflammée qui se dirigea droit vers le soldat le plus proche. La flamme le toucha en plein dos, mais ne s'arrêta pas à sa première cible : elle rebondit sur plusieurs soldats qui se tortillaient de douleur au sol. Garen regarda en arrière, et se jeta soudainement devant sa soeur. L'impact le projeta au sol, mais cela suffit à stopper sa folle course de mort.
-Garen ! hurla Lux en se précipitant vers lui.
-Ça va, ça va... assura le guerrier en se relevant avec peine. Je suis solide.
Le dos du demacien fumait, laissant s'échapper une odeur âcre de fer brûlé.
-Tu es sûr ? s'enquit la magicienne.
Il hocha gravement de la tête et ils continuèrent leur course. Paladïn profita de leur concentration pour les laisser passer devant. Bientôt, il se retrouva seul dans la rue, jusqu'à ce que Brand montre le bout de son nez :
-Allons donc, décréta la créature de flammes. Un soldat contre un dieu. Les demaciens sont décidément stupides.
-Tu n'es pas un dieu, Brand, et je n'hésiterais pas à te renfermer dans ta prison de glace !
-Je suis flatté que tu connaisses mon histoire, répondit Brand.
-Je serai encore plus flatté d'en écrire la fin.
Brand invoqua une colonne de flammes. Paladïn l'esquiva sans mal, la chaleur brûlant la peau de son visage. Il roula sur le côté pour éviter un trait de feu et se cacha derrière une palissade. Comme il s'y attendrait, Brand s'acharna à le dénicher de son abri de fortune. Il profita de l'explosion pour foncer sur lui, dagues en avant. Les armes tracèrent deux traits au niveau de ses côtes qui se fondirent avec les craquèlements déjà présents de sa peau.
-Tu crois vraiment que ça pourrait marcher ? s'enquit Brand en souriant.
-Qui dit que je n'essaye pas de gagner du temps ?
Brand ouvrit ses mains vers le ciel.
-Regarde ta cité. Elle brûle. Il n'y a pas plus beau spectacle en ce monde. J'entends leur cri de détresse, leurs pleurs, le désespoir, et je m'en délecte. Plus vous me faites patienter, plus je suis heureux !
Paladïn se mordit la lèvre inférieure. Il espérait que son plan allait marcher mais pour l'instant, il n'avait plus rien en stock. Il fusionna ses lames en bouclier et réceptionna un jet de feu. Avant qu'il ne finisse en cendre, il récupéra ses deux dagues et contourna Brand.
Ce dernier ne comptait pas se laisser faire de nouveau. Il lança des flammes sur la trajectoire de Paladïn, le forçant à dévier sa course et fondit subitement sur lui. Son poing atteignit le ventre du chevalier avec une facilité déconcertante, sa main réceptionna son cou. Brand souleva Paladïn dans les airs, le plaqua contre un mur qui menaçait de s'effondrer.
-Vous ne pouvez rien contre moi, les demaciens, toi ou...
Le cou de Paladïn se mit à chauffer dangereusement. Il parvenait à écarter les doigts de Brand, mais ce dernier chauffait ses membres, l'obligeant à le lâcher. L'être de feu baissa le regard vers sa ceinture d'où pendait le foulard des Chevaliers de l'Aurore Rouge.
-...Toi ou ta minable petite équipe.
Quand Brand se mit à brûler le foulard avec un sourire aux lèvres, Paladïn le repoussa violemment avec ses pieds. Il se repoussa avec force du mur, plaqua Brand au sol avec son bouclier, prit appui sur son ventre et sauta dans les airs. Brand laissa s'échapper un cri étouffé alors que Valor s'envolait dans les airs, le chevalier dans ses serres.
Jarvan IV fut les premiers à accueillir le groupe de Garen, affolé.
-Garen, tout va bien ?
-Oui, mon prince. Mais nous n'avons pu l'arrêter... Rien de tout ce que nous avons pu faire n'a marché contre lui.
La population qui n'avait pas fui vers l'est était exténuée. La plupart des gens, blessés ou non, étaient assis contre les murailles de la ville, criant leur désespoir et pleurant toutes les larmes de leurs corps. Sona était débordée. Elle jouait en permanence son Aria de Persévérance. Une aura verte virevoltait autour de son corps, se dirigeant vers les demaciens. Certaines blessures s'évaporaient, d'autres se refermaient, mais rien ne semblait éteindre le feu qui consumait la chair des plus touchés. Elle jouait à ces blessés son Hymne de la Bravoure afin de leur redonner force et courage, mais son pouvoir était bien faible face à la souffrance qu'ils enduraient, et le fait qu'elle marchait et courrait sur le sol dévoilait une grande fatigue.
Paladïn et Valor revinrent quelques instants plus tard. Selon le rapport de Quinn, la plupart de leurs bâtiments principaux tenaient encore debout et seuls les maisons aux bordures extérieurs commençaient à s'effondrer.
Un énorme grondement se fit soudainement entendre. Paladïn s'empara d'une monture et fit le tour de la ville. Des orages noirs et menaçants s'approchaient depuis l'Ouest, très rapidement, accompagnés -Paladïn écarquilla les yeux- d'une vague géante.
-Je n'en demandais pas tant... murmura-t-il en observant une silhouette qui se trouvait au sommet de la vague.
L'Aquamancienne faisait tourner son sceptre au-dessus d'elle. Paladïn retourna à l'est et hurla aux réfugiés :
-Rassemblez-vous, vite !
Personne ne se fit prier. Avec les champions, ils parvinrent à réunir tout le monde derrière le mur Est de la cité.
-Paladïn ! s'inquiéta le prince. Que se passe-t-il ?
-Ça risque de ne va pas vous plaire, alors je préfère garder ça pour moi.
Le grondement approchait. Bientôt, un vent violent frappa sur Demacia. Les flammes gagnèrent en hauteur et en puissance.
Nami, du haut de sa monture, aperçut le groupe de demaciens. Elle laissa son oeuvre continuer sa route et détacha un peu d'eau qui resta sous sa nageoire, lui permettant de voler vers les rescapés. Sous le regard étonné de tous, elle se plaça devant les portes.
-Que ce soit bien clair, demacien, dit-elle en se tournant vers Paladïn, je décide ce qu'apporte la marée.
Elle leva les mains et son sceptre, juste à temps. Le raz-de-marée se fracassa contre les murs de Demacia, se déversant dans la ville en courants rapides. En voyant les déferlantes d'eau arriver sur eux, les habitants prirent peur et se blottirent les uns contre les autres. Nami enveloppa le groupe d'une bulle géante, l'eau les contourna, pour aller se répandre dans les champs voisins.
Comme si la nature répondait au pouvoir de l'Aquamancienne, les nuages noirs lâchèrent leurs premières gouttes de pluie, fines et rafraîchissante. Nami baissa son sceptre et se retourna vers Jarvan, Lux, Garen, Vayne et Paladïn. Quinn prit les devants et appela Valor. Elle s'envola au-dessus de la cité.
-Ça devrait suffire, je crois, dit l'Aquamancienne devant les bouches-bées des demaciens. Ne me regardez pas comme ça, vous avez un peuple à rassurer.
Sur ces mots, elle navigua entre les brûlés et les soigna avec son eau imbibée de magie. Les flammes s'éteignirent.
-Merci, murmuraient-ils avant de tomber de fatigue.
Quinn réapparut quelques minutes plus tard, à pieds, aux portes Est, pataugeant dans quelques centimètres d'eau. Valor, qui volait au-dessus d'elle, portait une être d'obscurité dans ses serres.
-La ville est trempée mais sauvée, déclara la jeune femme. Ceux qui ont fui dans les tunnels ont dû se prendre une sacrée douche. Nous avons aussi repêché ça.
Brand roula aux pieds de Jarvan. Il était noir, éteint, à se demander s'il vivait toujours. Un tic sur un de ses doigts démontra le contraire :
-Vous... vous me le paierez... Ce n'est pas fini.
-Au contraire, répondit Jarvan d'une voix haute pour que tout le monde puisse l'entendre. Plus jamais tu ne nuiras à Demacia, Brand.
Nami lança une bulle sur lui. Son corps se mit à flotter, enfermé pour un bon moment dans sa nouvelle prison.
-Tant que je serai en vie cette bulle restera sa nouvelle maison.
Le Prince se retourna vers l'Aquamancienne.
-Comment pouvons-nous vous remerciez ? Demacia vous doit tout.
-Vous devriez plutôt remercier le bipède sur votre droite, c'est lui qui m'a imploré de vous aider, bien que ces méthodes restent à désirer.
Jarvan se retourna vers Paladïn.
-Par quel miracle ?
-Pour tout vous expliquer, j'ai eu de la chance de croiser un invocateur à la ville portuaire, au Sud d'ici. Je lui ai expressément demandé d'invoquer Nami, même si cela était contre les principes de la League... Elle était furieuse mais je lui ai expliqué la situation parce que je pensais que seul son pouvoir pourrait rivaliser contre les flammes de Brand... Je ne croyais pas qu'elle accepterait.
-Je ne suis pas votre ennemie, décréta la sirène, mais je ne suis pas votre alliée non plus. Demacia doit une faveur à mon peuple.
-Je ne l'oublierai pas, s'exclama le Prince en mettant son poing droit contre son coeur. Mais votre intervention n'aurait pas été nécessaire si la League nous avez prévenu et aidé... Paladïn, tu nous dois une explication, je crois.
-Je n'en parlerai pas ici, mon Prince, répondit le chevalier en baissant la voix. Ces habitants ont déjà eu leur dose d'évènements tragiques pour les mois à venir.
Jarvan invita les champions à le suivre alors que les rescapés, informés par Quinn et Valor, revenaient vers la cité. Ils étaient exténués, les décombres et les morts étaient nombreux, mais l'espoir de revoir s'élever de nouveau la cité de Justice suffit à réchauffer les coeurs.
