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Partie 3 - Allers et retours

Chapitre 19 - En route

le 16 septembre 2015

Le mont Targon n'était plus qu’une de vaste montagne perdue parmi ses congénères. En remontant vers le sud, les températures se faisaient de plus en plus douces, si bien que les chevaliers rangèrent leurs manteaux. Installés sur de robustes chevaux de voyage, ils s'étaient engagés depuis plus d'une heure en direction du Passage Mogron, d'où la route était beaucoup plus agréable. Xathote bougeait sur sa scelle.
-Par la Ste-Quiche, ces bêtes sont tellement inconfortables !
-Ce sont des chevaux, Xa'. Pas des fauteuils ! lui répondit Caërwyn.
-Nous avons d'ailleurs de la chance d'en avoir, continua Paladïn. Leona a été généreuse et sans ce don, nous serions encore au pied de cette montagne !
Ils chevauchaient tous les cinq côte-à-côte. Le cheval du yordle était attaché à celui du jungler, les chevaliers craignant que sa force ne soit pas assez puissante pour guider sa monture. Madwain jetait un coup d'oeil fréquent à cette dernière qui semblait se méfier fortement de la créature qui la montait, bougeant les oreilles à chacun de ses mouvements.
-Et avec Breor, ça s'est arrangé ? demanda Xathote en direction de l'AD carry.
Caërwyn acquiesça d'un coup de tête, mais ne voulut s'étendre sur le sujet. Il était ravi d'enfin quitter le mont Targon. Elyonah était silencieuse, plongée dans ses pensées.
Tu dois abandonner cette idée, Elyonah. Tu as l'occasion de changer de vie, alors saisit-là ! lui avait dit Leona alors qu'elle sellait sa jument baie.
Je sais les souffrances que tu as endurées, mais le tuer ne t'apportera rien.
-Que pensez-vous… s'ouvra-t-elle aux chevaliers. Que pensez-vous de la satisfaction d'une vengeance finalement accomplie ?
Xathote haussa des épaules, en s'excusant de n'avoir jamais connu cette situation pour y répondre correctement.
-Je pense que sur le coup, commença le top laner, elle doit être jouissive, mais juste un court instant. Après, on se rend compte que ça ne règle pas le problème, que l'on vivra toujours avec… Une vengeance ne ramène pas la vie.
-Une vengeance représente un objectif, un but à accomplir. Une fois cela fait, que reste-t-il ? demanda Caërwyn.
-Et puis, compléta Madwain en s'étonnant de la réponse de son ADC, celui qui a tué peut s'être repenti, tout comme toi, Elyonah, si je ne m'abuse.
Elyonah médita là-dessus.

Le passage Morgron apparut peu de temps après. Énorme structure faite de roches et de matériaux environnants, il se caractérisait par sa hauteur phénoménale et sa porte, ayant sans doute découragé plus d'un soldat lors du temps des grandes guerres qui ravageaient Valoran. Quelques habitations montées rapidement se dressaient devant l'accès au Sud de Valoran. Les chevaliers arrivèrent devant la bâtisse et en profitèrent pour faire une halte. Des scientifiques les observaient. Ils se murmuraient entre eux des mots inaudibles, ce qui eut pour effet d'énerver les chevaliers au plus haut point. Ils s'apprêtaient à franchir le passage quand Xathote annonça :
-Regardez !
Il pointait du doigt une silhouette se tenant sur la barrière. Non, la silhouette flottait sur un mètre et demi, assise en tailleur, dos à eux.
-Qui ça peux bien être, à votre avis ? demanda le yordle.
Les autres haussèrent des épaules. Ils remontèrent sur leur monture et passèrent enfin le passage.
Quelques centaines de mètres plus loin, ils furent interpellés par une voix familière :
-Je vais vous montrer la voie.
Les chevaliers s'arrêtèrent et se retournèrent, surpris. Maître Yi était derrière eux, mains liées dans son dos, droit sur ses deux pieds joints.
-Ah, s'écria Paladïn. Alors c'était vous sur la barrière ?
-Effectivement, je méditais. Mais vous, chevaliers, que faites-vous ici ?
-Vous avez entendu parler de nous ? s'étonna la support alors qu'ils descendaient de cheval.
-Vous voyez les scientifiques qui sont là-bas ?
Ils acquiescèrent.
-Ce sont des chercheurs de la League. Une vielle prophétie a annoncé que cet endroit pourrait bientôt être un Champ de Justice, donc ils veulent exploiter les nexus pour une potentielle utilisation future. Enfin bref, en tant que potentiels futurs membres de la League, pensez-vous vraiment que vous passeriez inaperçu ?
-Vous marquez un point, avoua le jungler.
Le silence s'en suivit.
-Et donc ? poursuivit le champion.
-Nous allons au Sud, déclara Paladïn. Vers Shurima.
Maître Yi baissa le regard (ou les regards…) quelques instants.
-Je vois que vous souhaitez prendre une leçon… Vous n'avez aucune idée de ce qui vous attends là-bas, n'est-ce pas ?
-De quoi parlez-vous ?
-Du danger rôdant sous le sable du désert. Il est étonnant que vous soyez autant dans l'ignorance alors que vous allez entrer en terres inconnues…
-Vous savez, continua Paladïn, une personne connue a un jour dit : un vrai maître est un éternel étudiant.
Maître Yi leva le doigt pour parler puis se ravisa d'un coup.
-Attendez, c'est ma réplique ça !
Paladïn sourit et remonta en selle, imité par ses compagnons.
-Justement, reprit Elyonah. Si ce sont vos paroles, vous savez pourquoi nous allons là-bas.
Maître Yi les regarda s'éloigner.
-Très bien, lança-t-il une fois à quelques mètres. Partez à l'aventure, droit devant ! Mais ne dites pas que je ne vous aurez pas prévenu… Je vous aurais bien accompagné mais la League a besoin de moi. Alors, je vous tiens à l'oeil… avec le troisième en partant de la gauche.
Il disparut soudainement.

La transformation de paysage fut brutale. Arrivés à la fin des cols de montagne, les pierres se désintégraient aussi rapidement qu'un fleuve prenant de la vitesse avant une chute d'eau. Le sable commença à se faufiler parmi les pierres, sur le sol et même dans les airs. Les chevaliers surent qu'ils étaient définitivement entrés dans le désert de Shurima quand le sol s'enfonça dans le sable pour disparaître totalement. La fin de journée était ardue, chaude, étouffante, même à cette période de l'année.
-Voilà qui ne va pas nous arranger, précisa Paladïn. Dans le désert, nous avons deux options. Avancer de jour où avancer de nuit. Qu'en pensez-vous ?
-Que nous proposes-tu ? préféra demander Elyonah.
-Et bien… Le voyage de nuit est plutôt à envisager. Personnellement, je préfère ne pas casser notre rythme de voyage, même sous des températures extrêmes, mais la nuit nous sera plus confortable. Nous devrions partir ce soir pour ne pas perdre de temps.
-Très bien. Aucune objection ?
Les chevaliers acquiescèrent. Ils montèrent leur camp plus en amont, derrières d'énormes rochers, pour être couverts du vent.

-Tu es bien silencieux.
Les voyageurs mangeaient leur dernier bol de « ragoût Alaoaneagain » de la semaine, l'eau étant à économiser à partir du lendemain. Caërwyn s'était soudainement rendu compte que le jungler n'avait pas dit un mot depuis leur rencontre avec Maître Yi.
-Désolé, soupira Madwain en posant son bol. Je suis perturbé.
-Ça ne te ressemble pas ça, avoua Xathote avec un sourire. De t'inquiéter de quelque chose.
-Racontez-moi le match. Comment ça s'est passé ?
-Tu venais de me gank au mid et tout à coup, pouf ! Plus rien. La voix nous a annoncé que tu t'étais “ déconnecté”, expliqua Xathote en mimant des guillemets, puis tu es retourné à la base d'où tu n'as pas bougé.
Le jungler accepta cette version des faits.
-Je dois avouer que personne n'a compris pourquoi… insista le yordle.
-J'ai discuté quelques minutes avec mon invocateur, expliqua Madwain. Lui non plus, ne sait pas comment s'est arrivé. Les autres invocateurs étaient trop concentrés pour s'occuper de lui. Il aurait été assommé, donc mon invocation aurait foiré à cet instant précis, un truc du genre. Je me souviens parfaitement du gank, j'ai ensuite voulu frapper dans la main à Xa' et… tout à coup… je n'ai plus rien senti.
-Comment ça ? s'inquiéta Caërwyn.
-Comme une téléportation ! reprit Madwain en trouvant ses mots. Comme si je m'étais subitement téléporté ailleurs. Dans une salle, blanche, vide. Affreusement vide et silencieuse même…
-Je ne connais pas les systèmes d'invocation, expliqua Paladïn, mais je sais que quand nous sommes invoqués, notre esprit est lié à notre invocateur. Rompre le lien avec lui sans suivre le protocole habituel revient à ne plus contrôler son corps, donc c'est comme si ton esprit se faisait la malle.
Madwain frissonna. Le souvenir de ce silence le rendait malade. Une pièce vide où même sa voix ne put franchir la barrière du réel. Il se souvenait parfaitement s'être pris la tête entre ses mains, dénudées, seul sans son équipement, sans son casque, sans aide apparente…
-Sans ma musique et sans ML0-D, sans moyen de faire le moindre bruit, j'ai vraiment cru que j'allais me suicider !
-ML0-D ? l'interrogea Caërwyn.
Madwain se rendit compte de son aveu. Il jeta un oeil à Xathote, qui lui assura qu'il venait bien de prononcer son nom.
-Ça se prononce “Mélodie” mais ça s'écrit “M-L-zéro-D”, le reprit le yordle. Elle est…
Comme à de rares occasions, Madwain enleva son casque et le tendit devant lui :
-Je vous présente ML0-D –il le remit aussitôt-. L'invention d'Heimerdinger qui m'accompagne depuis bien longtemps maintenant.
-C'est un joli nom, ML0-D.
-Je le dois à mon créateur, mais merci tout de même, Elyonah.
Les chevaliers sursautèrent. Madwain et Xathote, eux, n'avait pas bougé d'un pouce.
-Parce qu'elle parle, en plus ? s'enquit Caërwyn.
-Pourquoi ne parlerai-t-elle pas ? On parle d'Heimerdinger, pas de n'importe quel scientifique à la noix, nom d'une quiche ! s'emporta le yordle.
-Elle ne me parle qu'à moi, généralement, s'excusa le jungler en se grattant la tête. Mais voilà, maintenant, vous savez.
Ils acceptèrent sans rechigner, parce que cela donnait enfin un sens aux silences fréquents du jungler.
-Mais… nous n'avons toujours pas résolu notre problème principal. Si ton invocateur dit vrai, qui aurait fait ça et dans quelles intentions ? s'enquit Paladïn.
-Ça me rappelle trop la seconde épreuve…
Les regards se tournèrent vers Elyonah.
-Mais cette fois l'attaque est plus directe, ajouta-t-elle.
-Tu n'aurais pas des tendances paranoïaques, par hasard ?
-Sans doute, mais quand même.
Ils gardèrent le silence, non contents de se remémorer l'épreuve qu'ils avaient subis à Freljord.
-Si c'est cela, ça commence à bien faire. Je vais en toucher deux mots à la League…
Paladïn resta silencieux.

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