Red Dawn Knights
L'Aventure des Chevaliers de l'Aurore Rouge

Xathote pouvait voir depuis le hublot qu'il s'éloignait du sol. La carlingue tremblait toujours, avec un rythme saccadé et soutenu à la fois. Xathote aperçut qu'il s'éloignait de la ville. La machine l'effrayait et plus il s'envolait dans les airs, plus il songeait à la violence de sa chute. En plus du remue-ménage qu'offrait la machine, il tremblait de peur et son coeur était là pour lui rappeler. Comme dans n'importe quel cliché de présage funeste, sa mémoire lui fit repasser des moments de sa vie : les disputes avec ses parents qui à cet instant semblaient futiles et enfantines, sa réussite scolaire qui les rendait si fiers, puis leur mort, atroce et mystérieuse, le missile qui s'envolait très haut, l'artificier mangeur de quiches...
La quiche. Un plat simple mais, rien que d'y penser, lui faisait reprendre espoir. Cette religion de la Sainte-Quiche existait-t-elle vraiment ? Les yeux fermés, il pria cette divinité en souriant, se doutant que cette religion était fictive. Lorsqu'il rouvrit les yeux, ses pensées disparurent et il admira la planète bleue. Il n'en revenait pas ! Il venait de quitter l'atmosphère !
-Cette carlingue est plus résistante qu'il n'y paraît ! s'exclama-t-il en volant en apesanteur dans la cellule.
Un dernier tremblement se fit ressentir. Il n'avançait plus. Elle avait rendu son dernier souffle. Mais cela, Xathote s'en fichait : il était aux anges. Il avait enfin atteint son rêve. Le hublot n'affichait plus qu'un voile noir à paillette. Le temps passa. Dans le silence du vide. Tout était reposant.
Il flottait.
Le yordle se sentait bien. Tranquille. Calme. Zen.
Mais tout cela s'écroula quand des voyants s'allumèrent et que la carlingue se remit en route. Une voix robotique annonça :
-Divinité en approche.
Divinité en approche ? Comment ça ? pensa le petit loup.
Les paroles de son ancien maître le firent tressaillir : « Quand j'aurai réussi à attirer cette divinité à moi, je pourrais contrôler tout ce que je voudrais ! Tu m'entends, boule de poils ?! »
Mais de quelle divinité pouvait-il bien parler ? Xathote n'eut pas le temps de trop se poser la question ; un objet passa devant le hublot et laissa derrière lui une longue traîné blanche transparente. La machine se mit à trembler de nouveau, mais avec une fréquence beaucoup plus violente. Xathote s'inquiétait de sa solidité. Il ferma les yeux. Le seule chose à laquelle il pensa, ou plus repensa, c'était le yordle technicien en explosion, souriant, mangeant sa part de quiche, entouré de fumée au bas de la porte de l'atelier. Il sourit et pensa « Sacré Sainte Quiche ! ».
-Capture effectuée avec succès.
Il reçut un coup, ce qui le fit ouvrir les yeux. Il aperçut un corps translucide qui se mouvait dans la cabine.
-Que me voulez-vous ? Pourquoi m'avoir attrapé ? dit une voix mélodieuse mais ferme, à la limite de la frayeur.
-Quoi ?
Xathote n'eut le temps de comprendre ce qui se passait : il reçut un nouveau coup, dans le ventre cette fois. Il se mit en boule, les pattes avant sur le ventre. La fatigue de son emprisonnement tomba sur ses épaules d'un coup. Sa vue se brouilla alors que des gouttes d'eau envahirent la cellule.
-Mais qu'est-ce que tu me fais la ? annonça la divinité. Tu me captures et tu n'es même pas capable de me contenir un minimum. C'est pitoyable, petite chose !
Ces dernières paroles firent complètement craquer le yordle :
-Allez-y ! Tuez-moi ! De toute façon, je n'ai plus d'avenir ou que j'aille ! éclata-t-il en sanglot.
-Mais ... Quoi ?
Le yordle leva la tête vers la forme translucide et devina qu'elle le regardait aussi. Au bout d'un petit temps Xathote ferma les yeux. La divinité s'imposa tel un rêve dans son esprit :
-Tu n'as pas eu des moments faciles. Je m'excuse du mal causé. Je compatis à ta douleur.
-Quoi ? gémit Xathote.
-J'ai lu ton passé dans tes yeux. J'y ai vu ton histoire et les événements qui t'ont conduit jusqu'à moi. Je vais t'aider.
-Me... Merci, sanglota le loup submergé par ses émotions.
-Ressaisis-toi ! lui sourit la divinité. J'ai une idée : ferme les yeux et laisse-moi faire.
L'être spectral posa ses mains sur les tempes du yordle. Il obéit à ses indications sans bouger. Il n'était pas en confiance, mais il ne pouvait rien faire d'autre.
La première chose qui venu à lui fut un mal de crâne. Sa tête bouillonna puis la douleur s'étendit le long de sa colonne vertébrale. Une douleur au ventre se manifesta avant que la vague se répande dans ses bras et ses jambes. Fatigué, il ne pouvait crier, hurler ou gesticuler de douleur. Il avait l'impression de fondre, de perdre ses os, sa chair et son pelage. A ce moment-là, malgré la douleur, il revoyait l'artificier manger de la quiche, avec son large sourire.
La douleur s'arrêta net. Lorsque Xathote ouvrit les yeux : il n'y voyait plus rien. Tout était blanc comme s'il avait des paillettes lumineuses dans les yeux.
- Chut ! le rassura la divinité en lui refermant les yeux. Reste calme. C'est la première fois que je fais ça.
Après un silence, elle ajouta :
-Tu es fatigué. Le mieux c'est que tu te reposes. Tiens, cette cape te tiendra chaud et te protégera. Elle te permettra aussi de me contacter.
Elle glissa loin de lui, gracieuse et fluide :
-C'est la première fois que je croise une personne mortelle. Je ne pensais pas que les humains étaient si petits… Comment t'appelles-tu ?
-Je... je suis Xathote, gémit le loup. Et je suis un yordle.
-Xathote, je suis Vinité. Tout ira bien, maintenant.
Après ces mots, le yordle entendit un bruit d'appel d'air, comme si la cabine perdait de son contenu gazeux. Quelques secondes plus tard, il s'endormit dans un grand silence.