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Paladïn, le Tacticien de Demacia

Chapitre 9 - But commun

le 27 avril 2016

La lumière du jour commençait à baisser, assombrissant les ruelles tranquilles de Demacia. Ce soir, l'équipe locale rencontrait celle d'Ionia. Un beau match que chaque demacien ne voulait rater pour rien au monde.
Paladïn avait passé une mauvaise -voire très mauvaise- journée. Sa colère l'avait suivi depuis le matin, non sans qu'il ne sache pourquoi exactement.
Le jeune homme rentra dans un bar, d'où était retransmit la rencontre. Celui-ci n'était pas plein à craquer, même s'il ne comptait que quelques places libres, au bar où aux tables. Quand il entra, la plupart des regards l'ignorèrent, bien que certains restaient figés sur lui. L'un d'eux appartenait à un homme à moitié saoul qui, affalé au bar, semblait suffisamment alcoolisé pour désinfecter une plaie en soufflant dessus.
Paladïn balaya la salle du regard. La plupart des clients étaient des demaciens, venus sans aucun doute assister au match. Il aperçut une de ses connaissances qu'il salua d'un signe de main, s'avança au comptoir, commanda et se retourna. Un groupe avait attiré son attention; il comportait deux yordles, un homme aux technologies hextech et un dernier, sombre et sinistre dans sa façon d'être. Il haussa des épaules en les prenant pour de simples -bien qu'intriguants- voyageurs et s'empara de sa boisson d'un geste nonchalant de la main.
-Regardez-moi qui pointe le bout de son nez. Le demacien.
Paladïn se retourna vers son interlocuteur qui finissait de mimer des guillemets avec ses doigts. C'était l'ivrogne qu'il avait remarqué en arrivant :
-Qu'est-ce que tu me veux ? siffla Paladïn, non sans lui montrer qu'il ne l'impressionnait guère.
-Nous ne voulons pas grand-chose à un bâtard comme toi...
Paladïn posa sa chope, assez bruyamment, finissant d'attirer l'attention sur lui. Il tourna la tête vers l'homme :
-Écoute, je suis de très mauvaise humeur, là, donc je te prierais de...
-D'arrêter quoi ? De clamer haut et fort ton appartenance illégale à Demacia ? Oh, voyons ! Tout le monde sait ici que ta famille n'a obtenu ce titre que par la faveur du roi. Fils de bâtards.
-Pardon ?
L'ivrogne se tut, comme replongé dans ses pensées brumeuses. Il releva la tête au bout d'un moment, comme s'il venait de se rappeler de sa conversation.
-Ouais, exactement. Tu es une saleté de noxien, j'en suis sûr.
-Oses répéter cela encore une fois et seul le protecteur divin de Demacia pourra être témoin de ce qui se passera ici.
-Espèce de...
Paladïn se jeta dans le tas, amenant avec lui la plupart des clients bagarreurs du bar. La simple dispute éclata en baston générale. Paladïn pourtant, avec plus d'ennemis que d'alliés dans la cohue, se retrouva vite débordé, ne pouvant atteindre sa cible qui, adossé au bar, n'avait pas bougé d'un centimètre. Il se retourna, trop tard, vers un homme qui avait déjà brandit son arme de fortune -un pied de chaise arraché-. Heureusement pour lui, une silhouette géante s'interposa. Elle lui souriait et, après quelques secondes à rester en place, repoussa avec une extrême violence l'adversaire. Il replongea dans la mêlée sans se soucier sur qui frapper.
Paladïn sortit sa lame. Ayant enfin un peu de répit, et aussi vif qu'une lumière, il se plaça derrière l'ivrogne, tendit son arme et...
Il n'en fit rien. Sa lame percuta une autre arme.
Le tabouret de Paladïn tomba au sol dans un bruit sourd, cassant le silence qui se tenait dans le bar depuis sa tentative de meurtre. Les combattants avaient cessé la baston et tous les regards étaient tournés vers le bar.
-Tu ne devrais pas faire ça, ici, dit enfin l'ombre qui s'était interposée entre Paladïn et le client. Tu aurais de graves ennuis, crois-moi.
-Je suis déjà allé en prison pour avoir mis deux hommes pourrissant l'honneur de ma famille au sol. Un autre séjour ne me dérangerait pas !
Paladïn pesta, et, sans prendre la peine de dévisager son “sauveur”, rangea ses lames, lança quelques pièces au tavernier et quitta la salle sens dessus dessous.
Du comptoir, cinq silhouettes suivies de l'ivrogne se levèrent et franchirent la porte.

Le demacien s'arrêta quelques mètres après le bar, conscient qu'il marchait sans but. Il finit par desserrer les poings et par décontracter ses épaules, se forçant à respirer calmement. Pourtant, sa détente n'était que d'apparence.
Mais de quel droit ose-t-il ?! pensait-il, fou.
Il allait continuer son errance quand trois silhouettes s'interposèrent devant lui.
-C'est bien ce qu'il me semblait, annonça Paladïn en se retournant pour défigurer l'ivrogne et un cinquième compagnon. Vous ne pouviez pas en rester là.
-Pas après que tu ai levé la main vers moi, petit, sourit le chef de bande. Tu as bien de la chance que cette personne se soit interposée, j'aurai aimé te voir finir dans les taules, là où se trouve vraiment ta place. Bâtard !
S'en était trop pour Paladïn. Il resta immobile, appelant en lui toutes les ressources magiques de sa mère.
Bientôt, une fumée obscure émana de ses fourreaux, s'accumulant à ses pieds. Lentement, elle remonta jusqu'à Paladïn, le couvrant totalement en laissant les hommes, abasourdis, scotchés aux pavés.
-Que... qu'est-ce que vous attendez ?! s'écria le chef ivrogne. Réglez-lui son compte !
Bien qu'hésitants, les hommes finirent par charger. La fumée alors s'étendit dans toute la ruelle, ôtant un sens précieux aux assaillants. Privés de la vue, ils se mirent à avancer à tâtons dans le noir.
-Que... qu'est-ce qu'il se passe ?
-Où est-il passé ?
-Je n'y vois rien !
Soudain, un cri déchira l'obscurité. Il venait de près, de très près, et fut immédiatement suivi par l'atterrissage d'un corps au sol, inerte.
Paladïn ne comprenait pas ce qui lui arrivait, et se doutait d'en avoir envie. Les ombres dansaient autour de lui, comme une partie intégrante de son être. Le rideau de brume n'était pour lui qu'un voile transparent devant ses yeux. Il entendait distinctement les quatre battements de coeur affolés de ses adversaires. Sa source d'énergie semblait infinie, il était insaisissable, ombre parmi les ombres. Bientôt, une deuxième personne tomba, à une telle rapidité que personne ne sut dire s'il était mort de décapitation, d'une dague plantée dans le coeur ou d'une désintégration silencieuse.
-Que se passe-t-il ? balbutia le chef, terrorisé.
Un silence macabre lui répondit, preuve qu'il était le dernier encore debout. Alors, il se mit à courir. Sa folle course, semblant pourtant bien partie, s'arrêta net quand il rencontra un mur. Assommé, il tenta de se relever mais fut soulevé dans les airs par la force d'un poignet.
-Pi...pitié ! lança-t-il soudainement en direction de Paladïn.
Le demacien eut un rictus aux lèvres.
-La pitié ? Je ne connais pas ce mot. Comme tout bon demacien, je ne connais que justice...
Il serra son emprise pour appuyer ses mots. Ils entendirent alors, tous les deux, des murmures sortant des brumes. Contrairement à l'ivrogne, Paladïn n'était pas effrayé. Au contraire, il prit ces murmures comme venant de son propre pouvoir.
-Emel, entulessë.
Paladïn se rendit compte de son erreur. Comme aspiré par une force magique, son pouvoir chuta soudainement. La brume ne mit que quelques secondes à se dissiper, révélant au monde massacre et destruction de vie. Deux petites silhouettes se détachèrent de la rue, prenant soin d'éviter les cadavres avec une pointe de dégoût. Paladïn tourna la tête vers son adversaire. Il sentait qu'il n'avait plus le contrôle sur lui.
-Tu peux le lâcher, maintenant.
Impuissant, Paladïn obtempéra. Mais, même après avoir lâché l'ivrogne, celui-ci resta en l'air, tenu par la force d'un géant homme aux mains de fer. Le demacien n'eut qu'à se retourner pour deviner l'origine de cette intervention. Le plus grand du groupe, celui aux gants, lâcha sa prise qui prit les jambes à son cou. Paladïn le regarda faire sans rien dire, puis lança :
-Merci pour tout à l'heure. Je ne sais pas si j'aurai tenu à moi seul contre tous ces ivrognes.
-Je suis là où la baston se déclenche, déclara l'homme avec un sourire. Soit j'y assiste, soit j'en suis la source, mais dans tous les cas, je ne rate jamais une occasion de m'amuser.
Les deux yordles s'approchèrent du groupe, discutant entre eux à voix basses. Le dernier homme se plaça près de Paladïn en lui montrant les cadavres :
-Tu dois apprendre à contrôler ta force, dit ce dernier. Les ombres ne sont pas à prendre à la légère.
-Je ne me pensais pas aussi puissant, répondit Paladïn, gêné mais un brin fier. Comment avez-vous fait ?
-Je connais cette formulation générale ; “Ombre, Retour”. Cela annule ce genre de magie. Je peux même te dire que ce pouvoir que vous appelez “Pouvoir des Ombres” tient sa formulation d'un très ancien dialecte du Néant. Je connais des mots, mais la limite de ton pouvoir, tu te dois de la connaître, et cela, tu devras le découvrir par toi-même.
Le demacien hocha la tête puis se tourna vers les trois autres :
-Mais... qui êtes-vous ? Et que faites-vous à Demacia ? Pourquoi m'avoir aidé ?
-On est aussi atypique que ça ? s'étonna un des deux yordles.
-Deux yordles, un gars de Piltover et une autre personne aux origines douteuses, j'ai vraiment bien fait de le préciser ?
-Pas faux.
-Nous ne sommes que de simples participants pour la League, déclara le plus grand. Je suis Maimoime, le jungler. Voici Xathote, notre mage, Caërwyn, notre ADC et enfin Tsumenokage, notre support.
-Enchanté, répondit le second yordle, non sans garder les cadavres au coin de l'oeil. Et donc, tu es...
-Paladïn, déclara le demacien. Tacticien très attaché à l'honneur de sa famille.
-Je crois qu'on a remarqué, murmura Xathote.
-Et pour répondre à ta dernière question, reprit Caërwyn, j'ai juste senti le potentiel que tu avais. Nous espérions peut-être trouver un dernier membre dans notre équipe avant de prendre la mer vers les Îles Obscures...
Paladïn ne prit même pas la peine de réfléchir :
-Je suis à Demacia depuis trop longtemps. Je suis partant si vous me laissez régler un petit détail...
Il regardait en direction de la ruelle empruntée quelques secondes plus tôt par l'ivrogne.
-Beaucoup de sang a déjà coulé, déclara Tsumenokage, sérieux comme un roi en période de guerre.
-Je promets juste de faire en sorte qu'il ne cause plus aucun tort, ni à moi, ni à ma famille.
-N'en met pas partout, hein !
Un sourire aux lèvres, Paladïn s'engouffra dans l'obscurité.
Un silence passa, laissant une atmosphère pesante que personne n'osa déséquilibrer.
Soudain, un cri trancha la nuit puis ce fut le silence.

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